Réflexion : « Respecter, ce n’est pas s’incliner devant la loi, mais devant un être qui me commande une œuvre. »

Au détour d’une lecture sur le « penser-à-l’autre », je rencontre ces mots d’Emmanuel Levinas :

Respecter, ce n’est pas s’incliner devant la loi, mais devant un être qui me commande une œuvre. Mais pour que ce commandement ne comporte aucune humiliation – qui m’enlèverait la possibilité même de respecter -, le commandement que je reçois doit être aussi le commandement de commander celui qui me commande. Il consiste à commander à un être de me commander. Cette référence d’un commandement à un commandement, c’est le fait de dire Nous, de constituer un parti. Par cette référence d’un commandement à l’autre, Nous n’est pas le pluriel de Je.

Aurais-je pu rêver meilleure entrée en matière pour parler de cette question qui ne cesse de m’habiter sur la limite du respect dans la relation d’aide ?

Aider l’autre, sous quelque forme que ce soit, revient-il à le rencontrer ? L’aide que nous pensons apporter suffit-elle à créer ce Nous compris comme une réalité co-construite ? Si l’on s’en tient à la définition de Levinas, le respect ne pourrait-il être que mutuel ?

Et dans ce cas, l’idée même d’aider l’autre malgré lui n’est-elle pas tout simplement dolosive ? Quelle serait la véritable nature d’un Nous où seul Je déciderai de ce en quoi un tu as besoin d’aide ?

J’ai conscience que ces réflexions enfoncent des portes ouvertes. Et pourtant, si je me les applique à moi-même, je me découvre encore parfois à former des projets sur l’autre, sur ce vous qui peut-être lit ces lignes.

Je vous voudrais heureux(se), serein(e) et rayonnant(e). Qui êtes-vous d’ailleurs, pour ne pas l’être ? Et qui suis-je en même temps pour le souhaiter seul, à votre place ?

Je ne suis pas seul me direz-vous. Le commandement que je reçois n’est pas nécessairement conscient. Mais si j’accepte cette idée, alors je dois accepter du même coup les commandements que je vous fais moi-même sans le savoir de recevoir mon attention et de lui accorder la valeur que je lui prête.

Peut-être qu’au fond, vous respecter, c’est accepter que nous partageons ce même besoin de l’autre…